Lire entre les lignes : respect des recommandations

Méfiez vous des articles basés sur des échantillons rétrospectifs, sur dossiers médicaux, décrivant que la prise en charge des patients suivait strictement et rigoureusement les recommandations nationales ou internationales, voire paraphrasant les recommandations afin de donner l’illusion qu’elles sont respectées. La seule garantie que l’on puisse avoir sur une étude rétrospective, c’est que les pratiques habituelles des services concernés ont été suivies. Citer les recommandations peut être une solution pour ne pas avouer que l’on est incapable de décrire les pratiques habituelles parce qu’elles n’ont jamais été formalisées. Sur deux manuscrits vantant le fait que certaines recommandations et procédures étaient rigoureusement respectés, que j’ai relus en tant que statisticien ayant participé aux analyses, je peux affirmer que pour tous les deux, c’était faux. Je me suis empressé de corriger les manuscrits, bien entendu, mais beaucoup de statisticiens n’auraient pas relu suffisamment en profondeur les manuscrits pour s’en apercevoir. Dans le premier manuscrit, je connaissais suffisamment le chef de service pour savoir qu’il se vante d’ignorer les recommandations, obsolètes, inadaptées et reposant sur des niveaux de preuve très bas (et je confirme son opinion, puisque j’ai un peu étudié les recommandations moi-même). Cela était aussi confirmé par le nombre énorme de données manquantes sur les examens théoriquement obligatoires selon les recommandations. Dans le second, il était mentionné qu’un examen médical était réalisé systématiquement, dans les méthodes, mais sur environ 110 patients, seulement 2 avaient bénéficié de cet « examen systématique ». Heureusement, cela était visible dans les résultats de l’article.

Ensuite, ce problème peut aussi arriver dans les études prospectives. Sur l’étude prospective que j’ai relue qui détaillait le plus la prise en charge, j’ai constaté que l’adhésion des investigateurs au coeur de ce protocole avant-après, c’est-à-dire donner l’intervention Contrôle en période avant et l’intervention Expérimentale en période après, était particulièrement basse: < 80% sur l’ensemble de létude et < 30% les deux derniers mois de l’étude. Sur cette base, il me paraît difficile de s’assurer du respect des recommandations décrites dans des niveaux de détails extrêmes (y compris les situations atypiques), alors qu’aucune variable recueillie ne permettait d’évaluer l’adhésion à ces recommandations.

Ce que je retiens de ces cas rapportés, c’est que pour s’assurer de la conformité d’une pratique à des recommandations, il est nécessaire de collecter les variables permettant d’évaluer l’adhésion à ces pratiques. Tant que je n’ai pas ces variables, en tant que statisticien, j’aurais toujours un grand doute quant à l’adhésion. Je vous conseille aussi de vous méfier des articles qui citent moults recommandations dans les méthodes, vantant leur respect, sans décrire la moindre variable, dans la section des résultats, permettant de vérifier ces dires.

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