Biais de mémorisation atypiques

Je vais vous raconter deux histoires courtes dans ce billet, illustrant des cas assez inattendus, de « biais de mémorisation ».

Premier cas rapporté

Cela concerne une étude avant-après prospective, dont la qualité du recueil de données est discutable. Notamment, la date d’inclusion n’avait pas été renseignée dans le base de données remplie sur tableur Excel. Je dus, suite à une remarque d’un reviewer, retrouver les dates d’inclusions afin d’évaluer l’adhésion au protocole avant-après par les investigateurs : traitement contrôle donné en période avant et traitement expérimental donné en période après. En croisant les identifiants de patients avec la base de données médico-administrative locale, je pus retrouver les dates ! C’est là que je découvris que les périodes fournies dans le manuscrit de l’article étaient complètement fausses ! Le manuscrit précisait que la période avant s’étendait de novembre 2016 à janvier 2017 et que la période après s’étendait de février 2017 à avril 2017 alors qu’avec les dates enfin retrouvées, je découvrir que le traitement contrôle avait été donné de septembre à décembre 2016 et le traitement expérimental avait été donné de janvier à mars 2017. Le premier auteur de l’article ne s’en étonna pas : il avait décrit les dates de mémoire, et s’était trompé de quelques mois…

Pour compléter l’histoire, j’ai retrouvé dans mes archives mail la date à laquelle j’ai fait la première analyse statistique de la base de données : mi-mars 2016. Encore une preuve que la fin de la période d’inclusion ne pouvait être en avril !

Second cas rapporté

Ce second cas concerne encore un biais de mémorisation dans une étude prospective, dont l’objectif était d’évaluer la validité d’un questionnaire de qualité de vie, avec une cohorte de cas incidents suivis six mois auquel s’ajoutait un groupe de patients prévalents, ne bénéficiant que d’une seule visite. Il semblerait que les investigateurs aient complètement oublié d’enregistrer le traitement médical prescrit aux patients à baseline. Comme les dossiers médicaux étaient d’une qualité excécrable, il n’était même pas possible de savoir ce qui avait été prescrit. Au final, l’interne en charge du projet appela les patients pour leur demander quel traitement ils avaient pris un an auparavant ! Elle me dit qu’elle ne pouvait pas leur demander la dose parce que là, le biais de mémorisation était trop fort, mais qu’au moins, elle espérait que l’information sur la molécule ne soit pas trop mauvaise. Après réflexion, je crains que pour les cas prévalents l’information soit de particulièrement mauvaise qualité, car ils sont susceptibles d’avoir plusieurs traitements au décours de leur suivi et mémoriser précisément celui qu’ils prenaient il y a un an paraît particulièrement difficile.

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